Le temple de Saint-Gervais 6000 ans d’histoire
Haut lieu de mémoire spirituelle et historique de Genève, témoin des différents courants religieux qui ont traversé la cité depuis des siècles, le temple de Saint-Gervais abrite aujourd’hui de précieux vestiges archéologiques à découvrir
Le temple de Saint-Gervais s’élève à l’emplacement même d’un sanctuaire du IVème siècle et du Xème siècle. A la Réforme, au XVIème siècle, l’église est affectée au culte protestant
L’histoire de Saint-Gervais est liée à la présence très ancienne des ponts sur le Rhône construits dès l’époque romaine au moins sur les terres immergées qui formeront les fondations du quartier dit de l’Ile. Ce site stratégique, que César mentionne en 58 avant J.-C., est resté jusqu’au XIXe siècle un point de passage obligé à qui voulait se rendre du sud de la France au plateau suisse.
La terrasse dominant le fleuve, où s’élève dès le Ve siècle une église funéraire, est déjà occupée vers 4000 avant J.-C ; cet habitat néolithique est à ce jour la plus ancienne trace d’une présence humaine à Genève. Tombes et mégalithes, puis sanctuaire gallo-romain attestent une destination religieuse des lieux quasiment ininterrompue jusqu’à nos jours, comme l’ont montré les récentes fouilles archéologiques.
Le premier lieu de culte chrétien devient aux
XIe-XIIe siècles le centre d’une paroisse qui s’étend sur le bourg de Saint-Gervais jusqu’à la Fusterie, à la Corraterie et au haut de la rue de la Cité.
A la faveur du développement de Genève au XVe siècle, qui voit notamment la création de la rue de Coutance en 1428, l’église paléochrétienne est entièrement reconstruite à l’exception de sa crypte. Elle reçoit alors un riche décor peint et sculpté dont subsistent d’importants vestiges. Ce bâtiment de style gothique sera par la suite transformé à deux reprises : une première fois en 1547 pour l’adapter aux exigences de la liturgie protestante, une seconde au début du XXe siècle, lors d’une restauration qui lui redonnera son aspect médiéval.
La profondeur historique de son passé fait du temple de Saint-Gervais l’un des principaux monuments genevois.
L’église de Saint-Gervais est bâtie en pierre et en brique entre 1430 et 1446 par des maçons piémontais et locaux.
Ses matériaux proviennent de la région proche : la molasse – un grès tendre très courant à Genève – est extraite des bords du Léman alors que la terre cuite est produite dans une tuilerie située au bas de la rue de Coutance ; cet établissement est alors dirigé par un certain Pierre Mascrot originaire de la région d’Ivrée.
Le caractère trapu de l’édifice,
la couleur rouge de ses murs et les tuiles creuses de sa toiture lui confèrent un caractère méridional.
La fontaine de la rue du Temple, créée au milieu de la place en 1773, fut adossée à une chapelle en 1809
puis dotée de seaux à incendie en 1826 (toujours existants).
Le 10 août 1535, le gouvernement genevoises abolit la messe ; le passage à la Réforme est confirmé neuf mois plus tard par le Conseil général (Grand Conseil actuel). A Saint-Gervais, le changement de confession entraîne la destruction immédiate des autels, des reliques et des images sacrées.
Alors que le catholicisme insistait sur l’importance des sacrements et de la médiation des saints pour atteindre le salut, le protestantisme met désormais au cœur de la foi la parole de Dieu prêchée par le pasteur. Le bâtiment est transformé en 1547 en un vaste auditoire autour de la chaire placée au centre de l’ancienne nef (emplacement aujourd’hui marqué au sol). Des bancs, rares auparavant, et de larges tribunes, édifiées au nord à la place de chapelles, permettent à chacun de suivre le culte dans de bonnes conditions.
Ces aménagements protestants seront supprimés au début du XXe siècle.
Documents à télécharger
Photos
© Johann Vexo (vue extérieure du temple)
© Bibliothèque de Genève (vue intérieure du temple en 1830 par Pierre Lescuyer)
© Archives Église protestante de Genève
Texte
Nicolas Schätti